(Première publication sur sknob’s other posterous)
Depuis la mise en ligne de cette modeste tribune aux alentours de la primaire du P.S., je parle de la sulfureuse relation du P.S. avec la séduisante T.I.N.A.
Séduisante parce qu’elle permet de faire l’économie de toute tentative d’imagination, mais nous allons y revenir plus tard.
La notion que je défends peut se résumer de la manière suivante :
- Prend une courbe, en l’occurrence parfaitement plate et stable depuis trois décennies.
- Prolonge-la.
Sauf cataclysme interplanétaire, et sachant que tout objet au repos a tendance à y rester, etc., il ne faut pas être Einstein pour imaginer son prolongement, défendais-je avec opiniâtreté.
Or, de nombreux blogueurs, blogueuses, tweeteurs et tweeteuses de gauche ont défendu, sur ce blog, sur les leurs et sur Twitter, l’idée surprenante qu’en cas de victoire du P.S. la courbe allait subitement prendre un virage.
Cette prédiction s’appuyait-elle sur des faits ou des déclarations des candidats ?
Non.
Car en réalité, ce n’était pas le sujet. Il fallait battre l’UMPFN (c’est vrai), et puis le reste, on verrait plus tard.
Et fais pas chier avec ta putain de T.I.N.A.
Puis le P.S. a remporté l’élection, et il a l’intention, comme il a eu l’honnêteté de l’annoncer avant d’être élu, de ramener le déficit à 3 % du P.I.B en 2013, parce que… Parce que.
Or, il s’avère qu’il manque une quarantaine de milliards pour y parvenir.
Pas de problème ! Il va interdire les paradis fiscaux, taxer les marchés financiers, mettre la finance au service de l’homme, et… Ah non, pardon, il s’apprête à poursuivre, voire à renforcer, la rigueur.
Because There Is No Alternative.
Et certains de mes contradicteurs s’étranglent.
Je ne m’orgueuillis pas de la justesse de cette prédiction, car encore une fois, le contraire était plus qu’improbable.
J’en veux pour preuve que la conjonction DES CRISES, n’a pas fait dévier la réflexion de nos dirigeants mainstream d’un iota. J’aurais pu adhérer à la prédiction suivante, mais force est de constater qu’elle ne s’est pas matérialisée.
La seule question qui m’intéresse, c’est pourquoi ?
Qu’est-ce qui fait que des gens intelligents, cultivés, informés, motivés, militants, se mettent à croire à des choses parfaitement improbables ?
Mme. Sknob proposait la métaphore suivante hier : c’est comme penser que ton petit ami qui te bat depuis des années va arrêter de te battre si tu l’épouses.
Moi je me l’explique de la manière suivante :
Les hommes ne sont pas des êtres rationnels. Ce sont des êtres rationalisateurs. Ils sont gouvernés par leurs pulsions, par leur inconscient, et ils rationalisent leurs actes après-coup. Littéralement.
Ils se distinguent d’autres espèces par la capacité à se raconter des histoires, pour le meilleur, lorsque cette faculté leur permet d’imaginer des choses belles ou utiles qui n’existent pas encore et auxquelles ils peuvent donner corps, et pour le pire.
En outre, ils sont de nature profondément conservatrice, ce qui d’un point de vue darwinien, se comprend aisément. Ils redoutent le changement, par nature dangereux et donc anxiogène. Ils privilégient ainsi leur salut à court terme en faisant fi des dangers bien plus importants qui les guettent pourtant.
Peu importe que les seuls individus qui ont fait avancer (ou reculer mais en tout cas bouger) l’humanité sont les conteurs courageux. Sans eux, nous en serions encore à cueillir des baies à poil dans la forêt. Ce ne serait pas plus mal me diront certains. Ça se défend, mais je suis ambivalent, car je suis reconnaissant de vivre dans un monde qui me permet d’écouter Bach, Satie, Weill, Rota, les Beatles ou Gainsbourg sur mon Zipade…
Toujours est-il que les conteurs courageux sont rares, ne sont suivis qu’à contre cœur ou s’il y a de la thune à se faire, et que la majorité de la population se satisfait de la Pensée magique : ne faisons rien, et tout ira mieux.