De nationalité française (par ma mère) et américaine (par mon père), j’ai grandi en Angleterre, puis en Belgique (après une brève parenthèse en France).
J’ai ensuite vécu une petite dizaine d’années aux États-Unis, avant de choisir de m’établir en France.
Si j’observe, comme tout le monde, le monde marcher sur la tête, et me demande pourquoi les choses sont ainsi, comment résoudre les problèmes petits et grands de notre temps, c’est armé ou lesté, c’est selon, d’un profil psychologique et culturel bâtard.
Richesse ou handicap ? Je n’en sais rien. Comment en effet réconcilier ce qui suit ?
Pour les réfractaires aux images, quelques explications (tout à fait facultatives) :
Confronté à un problème simple, l’Américain le résout, tout simplement, sans se poser de questions, considérant qu’il est vain dans ces conditions de s’attarder sur ses causes. La vie est trop courte. Il want to have fun (faire du shopping, boire, tirer au pistolet). Suivie à grande échelle, cette approche bassement individualiste et à courte vue peut néanmoins être d’une redoutable efficacité (Ex. : boycott).
Confronté à un problème compliqué, l’Américain ne voit qu’un problème simple, et se vautre dans les grandes largeurs. Il ne comprend pas pourquoi, mais il n’a pas le temps de s’appesantir sur la question. La vie est trop courte. Il want to have fun (faire du shopping, boire, tirer au pistolet). Cette approche d’une redoutable inefficacité a largement contribué à conduire le monde à sa perte.
Confronté à un problème quel qu’il soit, le Français soupçonne immédiatement que sa complexité a été gravement sous-évaluée. Il consacre alors toute la puissance de son esprit à la révéler dans toute sa splendeur (et à identifier les principes universels et autres axiomes qui la régissent) ou à défaut de la trouver, l’invente. Cette mécanique lui procure une intense satisfaction (version française du fun). Une fois la complexité mise à nu, le Français est émerveillé (par l’édifice ou par la prouesse intellectuelle dont il a fait preuve pour l’édifier, nul ne le sait avec certitude). En revanche, si par miracle, le Français se souvient qu’une action est requise (par exemple et au hasard, pour résoudre le problème de départ), il est subitement terrassé par une paralysie totale. En effet, il est très susceptible à un dysfonctionnement de son logiciel, qui peut le faire partir dans une boucle infernale et infinie : thèse, antithèse, synthèse, sauf que, thèse, antithèse, synthèse, sauf que… Il parvient parfois à s’extraire de cette boucle en faisant un reboot/la révolution. Certaines mauvaises langues prétendent que l’analyse du problème étant sa raison d’être, le Français n’a pas le moindre intérêt à le résoudre, d’autant plus que ça le priverait de son autre passe-temps favori : le décrier.
Et pendant ce temps, en dépit du génie français, le monde court à sa perte.
Radar à cuistre hors pair, bâtard culturel en raison de son emplacement géographique et de son histoire tourmentée, le Belge est le maître d’un art sous-estimé : l’autodérision. Il n’a pas d’illusion de grandeur ni de prétention à l’universalité. En fin connaisseur, il identifie en un clin d’œil la cruelle et absolue absurdité de toute situation, et sait instinctivement lui donner l’importance ou la place qu’elle mérite, ce qui lui permet d’en rire, de s’en affranchir, de la transcender, et de profiter des bonnes choses de la vie, bien qu’elles soient inévitablement marquées à l’encre indélébile de la mélancolie.
D’autant plus qu’à la merci de la folie des hommes, le monde court à sa perte.