Ayé, j’ai ouvert une page Patreon. Il ne m’aura fallu qu’un an et des poussièrespour me décider.
Alors je ne vais pas nier que rien ne me ferait plus plaisir que d’avoir des tas de mécènes qui me permettraient de consacrer davantage de temps à mes créations.
Mais fondamentalement, si tu m’as lu sur Babordages, tu sais qu’en matière de nouvelles technologies, je suis un indécrottable révolutionnaire romantique (déçu hein, ça va sans dire).
Qui pense que si les nouvelles technologies ont fini par nous asservir et se retourner contre nous, ce n’était — non, ce n’est — pas inéluctable.
Qui reste convaincu que si tous les brillants gauchistes que je connais ou que je follow sur Twitter consacraient 1 % du temps de cerveau disponible qu’ils consacrent à commenter la conjoncture à penser une utilisation intelligente des zinternettes pour court-circuiter les institutions qui nous asservissent, on serait sauvés depuis longtemps. On va être magnanime et dire qu’ils se sous-estiment (plutôt que de dire que ce sont de grosses feignasses ;).
En outre, et comme je le rape dans ma vidéo de présentation sur Patreon, les nouvelles technologies ont également le potentiel de totalement court-circuiter la société de consommation au lieu de la renforcer, et notamment de révolutionner la manière de rémunérer les artistes.
Si comme je le disais dans mon billet d’il y a un an, le système Flattr reste de loin le modèle le plus intelligent et révolutionnaire que j’ai croisé jusqu’ici, il se heurte malheureusement et là encore à l’inertie et l’indifférence des gauchistes-consommateurs fainéants.
Donc si rien ne me ferait plus plaisir que d’avoir des tas de mécènes, disais-je, c’est la démarche de Patreon en elle-même qui m’a finalement décidé à franchir le pas, parce qu’elle permet également à sa manière de décorréler les réalisations artistiques d’une quelconque valeur marchande, et de zapper toute la chaîne de prédateurs intercalés entre les artistes et leurs fans.
En gros si tu veux, Patreon, c’est comme une AMAP. Au lieu d’acheter un kilo d’oignons ou de patates ou de crottins de Chavignol ou de côtelettes d’agneau — ou une chanson, un album, un dessin — tu soutiens en direct un petit producteur et tu bénéficies périodiquement en retour d’un panier-surprise rempli de délices de saison. Si ce n’est que le panier ne t’es pas réservé. Le monde entier peut en profiter, grâce à ta générosité.
Edit du lendemain.
Parlons cash : si tu ne paies pas tes contenus (si tu pirates quoi), aucune raison de me mécéner. Tu es cohérent. Télécharge mes trucs à gogo. Ils restent gratuits. En revanche, s’il t’arrive d’acheter des cédés, des dévédés, des places de concert, des abonnements Spotify/Deezer/Apple Music, des bouquins, des bédés et autres « biens culturels », tu devrais à mon avis 1/ te poser la question de qui tu rémunères et 2/ consacrer une partie de ces dépenses à la rémunération directe des artistes qui le permettent et que tu apprécies (connus ou inconnus, ils sont de plus en plus nombreux). Car je n’ose croire que tu n’accordes de la valeur aux œuvres que si elles sont adoubées par les multinationales qui les distribuent (et qui ne reversent que des miettes aux artistes), sans quoi le capitalisme a de beaux jours devant lui. 1 € par mois et par artiste, rapporté au prix des biens sus-cités, c’est pas la ruine. Yes You Can Think Different Just Do It.
Fin de l’edit du lendemain.
Bref, si j’ai ouvert une page sur Patreon, c’est autant pour promouvoir ce genre d’initiative que pour en tirer éventuellement parti.
Puisque je te dis que je suis un indécrottable romantique !
En même temps, il n’y a que les psychopathes sanguinaires et les indécrottables romantiques qui changent le cours de l’histoire.
Avec toi ?